Deuxième journée de cours

Quel arrogance dans ses propos. C'était horrible tellement son discours semblait en scuinter. Il était vraiment temps que quelqu'un le remette à sa place. Si ce n'était pas moi, ce serait sûrement quelqu'un d'autre. Qui? Aucune idée, on verrait bien le moment venu. En tout cas si lui était toujours en vacances, les autres quant à eux devait chaque jour le subir, ce n'était vraiment pas des congés. Pour le bien moral des personnes qu'il persécutait, les écoles devraient offrir plusieurs mois de vacances supplémentaires ce ne serait pas coton.

Comment ne pas entendre tes paroles, tu as fait autant de bruit qu'un cochon qu'on égorge. On ne peut définitivement pas te loupé.

Je retiens de justesse de pousser un gémissement de douleur lorsque le dossier de sa chaise alla s'enfoncer dans mes côtes. Quel chien! Il allait me le payer! Le voyant serrer les poids, prêt à combattre, je me décalais légèrement pour ne plus être coincé par le bureau. J'allais bien devoir le faire cette fois, je n'avais pas le choix, je devais lui mettre mon poing dans la figure!

Quoi c'est comme ça que tu fais pour passer les classes? Tu couches avec les intellos pour qu'ils te filent les réponses. Tu te fais combien lorsqu'un mec se charge de toi? Dix sept sur vingt?

J'ôtais tranquillement mon écouteur et le fourrais dans ma poche avec un sourire narquois. Avec ça, j'étais certain d'avoir au moins une réaction qui me permettrait de l'envoyer direct au tapis. Personnellement je me contrefichais d'être renvoyé pendant une semaine ou deux, j'avais encore une bonne pile de bouquin à lire et des mails en attente de réponse.

Pourtant une chose me stoppa. Evangelina ne semblait pas se porter pour le mieux, c'est cette impression de recherche d'air et d'espace qui me frappa le plus. J'abandonnais immédiatement Grégory pour me placer à ses côtés, brassant l'air pour que tout ceux qui nous entouraient se reculent.

Aller barrez-vous y a plus rien à voir! Dégagez vous ne voyez pas qu'elle ne va pas bien...! je baissais les yeux vers elle, m'inquiètant franchement. Ca va aller, Evangelina. Calmes-toi, on va aller ailleurs...

Je me saisis de son poignet, la tirant derrière moi pendant que je me faisais un passage parmis les élèves présents. Je réussis sortir de la classe et cherchais le chemin qui nous permettrait de rejoindre la cour. Avec tout ça, je ne connaisais pas encore grand chose!

Etrangement, Grégory ne se laissait pas avoir par les boutades d'Alexander. Il préférait répliquer et en lancer d'autres au lieu de foncer tête baissée pour le frapper.

-Non, bien sûr, on ne peut pas me louper ! Je suis le mec le plus canon et le plus respecté du lycée !

Il se remit droit, ne faisant plus signe de vouloir se battre. Pourtant, les personnes les plus attentives pouvaient remarquer qu'il était aux aguets, prêt à éviter le moindre coup porté par son adversaire.

-A vrai dire, depuis que je connais Evangelina -ça fait combien de temps maintenant ? Douze ou treize ans ? Enfin, ce n'est pas le sujet ! Mais depuis ce temps-là, j'ai toujours d'excellentes notes ! Je n'ai même pas besoin de vendre mon corps pour cela, pas comme certains... Je suis naturellement doué pour les affaires, je tiens ça de mon père !

Grégory ne se souciait pas de mes crises. Il les connaissait, depuis qu'elles étaient apparues. Et cela m'arrivait de temps en temps à l'école. Plus personne ne posait de questions. On m'emmenait à l'infirmerie, ou dehors, lorsque ça arrivait. On prévenait mes parents, mais jamais ils ne venaient me rechercher. Ils n'en avaient rien à faire...

Les élèves s'écartèrent lorsqu'Alexander le leur ordonna. Je ne pus que le suivre, tremblant, étouffant. Mais il ne savait pas où aller, il était perdu. Un élève de dernière année lui indiqua d'un geste désinvolte le couloir de droite avec un signe de tête entendu. Il ne dit rien et passa son chemin.

Grégory prit le temps de se saisir de son sac et aperçut le mien à côté de mon banc. Il réfléchit un instant puis s'en empara avant de nous suivre sans se presser. Il rencontra le même élève, qui lui indiqua la même direction, avec un sourire aux lèvres...

Marchant d'un pas assuré en prenant bien soin de veiller à ce qu'Evangelina puisse suivre, je ne tardais pas à atteindre le hall, qui nous offrirait une occasion de prendre l'air. Cet élève m'avait vraiment sauvé la mise, c'était bien la première fois qu'une autre personne me semblait sympathique dans ce bahut. D'un côté, je n'avais pas commencer du bon pied en me dressant devant cette diva à deux balles de Grégory. Mais je n'allais quant même pas lui lècher les bottes pour me faire une place ici, ce n'était vraiment pas mon genre.

Je poussais brutalement les portes battantes et dévalais les six ou sept marches qui nous séparais encore de la cour. Heureusement à cette heure-ci, il n'y avait personne. Ils se trouvaient tous soit dans les couloirs, soit dans la cour intérieure de l'école qui menait aux dortoires. Une fois la volée de marches passée, j'attirais ma précieuse amie jusqu'à dans un coin où se trouvait un banc, cela pourrait toujours être utile, et m'arrêtais presque nettement au vu de la cadence que je m'étais impossée pour échapper à Grégory que chercherait sûrement à nous suivre.

On y est arrivé... soufflais-je en lâchant enfin son poignet.

Je le suivis dans les couloirs, n'étant plus qu'une poupée que l'on tirait pas le poignet, comme s'il avait été le seul fil qui me raccrochait encore à ce monde, en cet instant. Les murs des couloirs s'enfilaient les uns après les autres, ils défilaient, menaçant toujours plus de s'écrouler sur moi, sur nous. Oui, une seule personne était entrée dans ma bulle. Ce n'était jamais arrivé. Ca me perturba, mais eut le don de me calmer un peu, même si l'oppression était toujours bien présente. Impossible de la chasser !

Nous arrivâmes dans la cour mais au début, cela ne me fit rien. Puis, lorsqu'il me lâcha près d'un banc, je réussis à prendre une grande inspiration qui remplit pleinement mes poumons. C'était comme si je venais de sortir de l'eau après avoir retenu ma respiration durant plus d'une minute !
Je me laissai tomber sur le banc, reprenant peu à peu mon souffle. Je levai les yeux au ciel, visant l'immensité qui m'effrayait si souvent. Ici, elle était rassurante, car elle me laissait de l'espace pour respirer. Je me sentais de mieux en mieux. J'étais "sauvée"...

Après de bonnes grosses minutes, je baissai les yeux et rencontrai Alexander. J'avais repris mes esprits et détournai aussitôt le regard. Il m'avait vue dans cet état... C'était déjà pas mal, le coup de la chambre, mais ici, je me sentais encore plus honteuse ! Le pire, c'était que je n'avais rien pu faire pour stopper tout ça...
Je fouillai dans la poche de ma jupe et en sortis un bonbon à la fraise, tout simple. Je le déballai et le mis en bouche en vitesse. Ca m'aidait toujours à surmonter l'après-crise. C'était d'ailleurs pourquoi j'en avais toujours un sur moi.

Je jouais nerveusement avec le papier, observant sa transparence, n'osant rien dire, lorsqu'un bruit de pas résonna, se dirigeant vers nous. Il accéléra la cadence et fut près de nous en un rien de temps. Je ne levai pas les yeux, j'avais reconnu la démarche.
A notre hauteur, il y eut un bruit lourd, comme quelque chose que l'on laissait tomber au sol. Grégory, ou plutôt ses jambes, emplirent mon champ de vision. Je relevai la tête, inquiète de cette proximité. Mes genoux nus frôlaient son jean rugueux. Sans que je pusse esquisser un geste, prononcer une parole, penser quelque chose, il se pencha vers moi, les deux mains posées sur le dossier du banc, m'entourant presque trop -beaucoup trop, en réalité-, et posa avec insistance ses lèvres sur les miennes. Il n'alla pas plus loin, mais c'était déjà beaucoup...

Lorsque je pus récupérer un peu d'esprit, je n'osai pas bouger. C'était la première fois qu'il faisait ça, et, comme d'habitude, je n'osais pas le contredire. Il avait toujours raison, j'avais toujours tort. Mais c'était tout de même mon premier baiser ! On aurait dit qu'il n'en avait rien à faire !! Il devait faire ça tous les jours, pensai-je...

Seize heures trente sonna sur la grande horloge de l'école, maintenant les professeurs avaient réellement terminer leur journée, laissant la place aux coachs et autres dirigeants des clubs. Je commençais petit à petit à m'y retrouver dans les horaires ce qui était déjà un véritable miracle. Peut-être qu'un jour, je réussirais à m'habituer à cette école. Enfin pour ça, il fallait encore que je ne me fasse pas viré comme à chaque fois.

Discrètement, j'observais Evangelina à la dérobée, attendant le moindre signe de sa part. Je n'étais pas vraiment pressé, alors autant attendre qu'elle se remette à son aise. Du moins, je pensais que c'est ce qu'il y avait de mieux à faire, car contrairement aux autres élèves qui la connaisaient depuis un petit temps, je ne savais rien de ses crises.

Des bruits de pas attirèrent mon attention à l'opposé du banc. Même de loin, il n'était difficile de reconnaître Grégory. Cela m'étonnait justement qu'il n'était pas encore apparu à nos côtés. Nous ne nous étions que très peu éloignés en réalité et lui au moins arriverait à obtenir des informations comme il le désirerait. Je m'apprêtais déjà à lui faire face, ne comptant pas le laisser la troublée encore plus, mais il ne sembla pas me préter une quelconque attention. Il lâcha deux sacs à ma hauteur, le sien et celui d'Eva, et continua sa route jusqu'à se stopper juste devant elle. Je ne savais plus trop quoi commencer et c'est bien sûr avec la plus grande des surprises que j'accueillis son geste des plus étranges. Qu'est-ce qu'il lui prenait?!

En effet, le chef de classe, l'avait coincée entre le banc et lui avant de l'embrasser. Embrasser!? Si ça c'était pas du délire, je me demandais vraiment de quoi il s'agissait. Donc, si je résumais bien la situation il ne s'agissait là que d'une frustration amoureuse! Le genre que l'on trouve dans tout les romans à l'eau de rose qui plus est. Il ne voulait pas accepter qu'il avait des sentiments pour elle alors il lui faisait vivre une vie d'enfer juste pour garder un contact, même odieux, avec elle. Dans un cas pareil, je n'avais plus rien à faire ici. J'avais même limite l'impression de me l'être mit à dos pour rien!

Oh et puis zut! lâchais-je en shootant violement dans un caillou qui vola à quelques mètres.

Bien décidé à les laisser, puis-ce qu'ils étaient terriblement occupés en ce moment, je fis volte-face et me dirigeais vers les portes. Je n'avais plus qu'une envie, ne croiser personne sur mon chemin et retourner dans ma chambre pour avoir la paix. Et si je n'avais pas crains d'avoir des problèmes avec la direction, j'aurais certainement fait le mur sans autorisation pour aller traîner en ville

Je n'osai pas bouger jusqu'à ce qu'il s'éloigne enfin de moi. Je retenais ma respiration, et je le fixai sans comprendre, immobile. Il eut un sourire en coin et, un instant plus tard, il se détourna de moi. Il s'empara de son sac à dos, l'enfila sur une épaule et s'en alla comme si de rien n'était. Je l'observai s'en aller, avant de me lever à mon tour et de faire pareil en prenant mon sac. J'avançais tel un robot, mécaniquement, automatiquement. Je n'arrivais pas à croire qu'il avait... qu'il m'avait réellement embrassée ! Que lui était-il arrivé ? Pourquoi avait-il fait ça ? Je n'en revenais pas !

Arrivée devant la porte de ma chambre, je remarquai à peine la disparition d'Alexander. Mais il n'était plus là, sauf que je n'y avais pas fait attention, trop choquée sur le moment même !
J'ouvris ma porte à la volée et la refermai à double tour avant de me jeter sur mon lit. Je ne comprendrai jamais Grégory ! Et j'espérais qu'il ne recommencerait jamais.

Petit à petit, des larmes se mirent à couler le long de mes joues, atterrissant sur l'oreiller soyeux. Il m'avait volé mon premier baiser ! Et devant quelqu'un d'autre ! De plus, accessoirement, cette personne était potentiellement en passe de devenir un ami, le premier que j'aurais jamais eu... Il l'avait fait exprès !!! Il m'en voulait pour l'avoir dénoncé au professeur, la dernière fois. Qu'est-ce qu'il m'avait pris de dire ça ? Je n'aurais jamais dû le contredire ! J'avais été idiote, encore une fois. Je n'étais qu'une bonne à rien, rien de plus, rien d'autre. Jamais je n'arriverai à faire quelque chose de bien...