TNV (Terrible Nuisance Violette) [PV Angie]

Pour ce cours, Alexander était allé s'installer au fond de la classe, et je pris la mienne à côté de la fenêtre. C'était la dernière heure de cours de la journée et il était déjà quinze heures passées. Les mathématiques n'étaient certes pas ma matière préférée, mais j'écoutais attentivement Mr Stocks nous expliquer le calcul des intégrales, qui ferait l'objet d'une interrogation surprise la semaine suivante. Je prenais donc note comme d'habitude, avec assiduité. J'étais certaine que lorsque la cloche retentirait, plusieurs personnes me demanderaient à me les emprunter, car cette matière était loin d'être facile et la plupart des élèves autour de moi avaient abandonné l'idée de prendre eux-mêmes leurs notes.

Au milieu du cours, j'entendis la voix d'Alexander dans le fond de la classe. Je crus m'être trompée, mais c'était bel et bien lui qui venait de s'adresser de cette manière au professeur de mathématique ! Je lui jetai un oeil, surprise : que lui prenait-il si soudainement ? Etait-il devenu fou ? Le professeur ne se fit pas prier pour le réprimander aussitôt, outragé par de telles paroles. Alexander se défendit en prétextant ne pas s'adresser au professeur, ce qui était d'autant plus étrange et très peu croyable dans une telle situation. Mr Stocks reprit son cours dés qu'il eut terminé avec le jeune homme. Je me promis de demander à Alexander ce qui lui avait pris tout à l'heure, mais en attendant je ne pouvais rien faire d'autre que d'écouter et de prendre note...

Tu m'as l'air bien concentrée.

Cette phrase me fit sursauter et je relevai la tête, cherchant d'où provenait cette voix étrangère, et pourtant si familière.

-Mademoiselle Swann, quelque chose ne va pas ?

Je levai les yeux vers le professeur, la gorge nouée, et négativai d'un geste de la tête sans ajouter un seul mot. Il me regarda un instant puis soupira et reprit son cours. Je devais simplement avoir eu une hallucination. Je me remis à mon travail sans plus attendre, essayant de m'enlever cela de la tête.

Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur.

Je sursautai à nouveau, mais plus discrètement. Je levai les yeux et croisai ceux d'une jeune femme qui me ressemblait beaucoup, sans pour autant être moi... C'était la jeune femme de mon rêve ! Cela faisait un certain temps que je ne l'avais plus vue...

C'est... étrange ici... Qu'est-ce que c'est ? me demanda-t-elle en désignant les chiffres et les symboles sur ma feuille. Je ne me souviens pas avoir jamais vu de tels caractères auparavant.

Je jetai un oeil discret autour de moi, inquiéte : étais-je la seule à la voir et à l'entendre ? Cela me faisait peur ! Enfin, pas cette jeune femme en elle-même, mais le fait de la voir apparaître comme ça, n'importe où, n'importe quand... De plus, je ne pouvais pas lui répondre comme ça... J'en étais incapable, d'ailleurs !

Je vois... Tu ne peux pas me répondre... Apparemment, vous devez tous vous taire et écouter cet homme, dit-elle en s'approchant de lui sans que personne ne la voie. Il n'a pourtant pas l'air exceptionnel, ni d'une grande intelligence. Je ne comprends presque rien à ce qu'il dit. Et puis regarde, tu as vu ses vêtements ? Ce n'est pas correct...

Elle désigna d'un geste la chemise kaki entrouverte. Je ne pus m'empêcher de rire doucement devant sa grimace, qui était pourtant si adorable !

-Mademoiselle Swann ! Veuillez faire partager ce qui vous fait rire à toute la classe, je vous prie.

Je sursautai (encore une fois) à la voix de Mr Stocks et le rouge me monta aux joues. Je baissai immédiatement les yeux, ne sachant plus où me mettre. Ce genre de situation n'était pas faite pour moi...

Ex... excusez-moi... Monsieur Stocks... Je suis... désolée...

J'aurais voulu disparaître plutôt que de subir plus longtemps son regard perçant.

-J'accepte vos excuses, mais c'est la dernière fois !

Je hochai la tête et, la main tremblante, je repris mes notes là où elles en étaient.

Elle avait l'air de ne pas savoir qu'en classe, il fallait mieux éviter ce genre de débordement. Surtout que ce n'était absolument pas mon genre, et que je détestais attirer l'attention sur moi.
Elle revint près de moi et regarda à nouveau ma feuille, songeuse. J'observai ses traits qui étaient si proches de moi : c'était surprenant à quel point il me semblait la connaître, et à quel point je trouvais qu'elle me ressemblait. Cela me mettait assez mal à l'aise de continuer à noter alors qu'elle était penchée au-dessus de mon épaule. Je n'étais pas très rassurée, et mes gestes se faisaient hésitants.

Je te fais si peur que ça ? s'enquit-elle en s'éloignant de moi, me regardant d'un air désolé. Écoute, je ne sais pas ce qu'il se passe, ni pourquoi tu me vois... Ni même ce que je fais là, en fait ! Alors, ça me fait peur à moi aussi...

Cette révélation de sa peur me déboussola : même elle ne le savait pas ? Je pensais pourtant qu'elle pourrait être au courant de quelque chose...

Attends, j'aimerais essayer quelque chose, lança-t-elle soudain avant d'approcher sa main de la mienne. Je retins ma respiration alors qu'elles allaient se toucher : je pensais que je ne ressentirais rien, car la thèse de l'hallucination me semblait tout de même la plus probable, mais il n'en fut rien... Le contact chaud de sa paume frôlant le dos de ma main était bien réel, du moins j'en avais l'impression. Elle semblait aussi surprise que moi.

Je croyais qu'il ne se passerait rien, mais je peux même te toucher... Quelle est donc cette magie ? ...

-...Swann... Mademoiselle Swann ?! Vous vous sentez bien ?

Mr Stocks était penché au-dessus de mon banc et cherchait à attirer mon attention. Je revins à la réalité après quelques secondes et la cloche retentit : le cours était terminé. Les élèves se levèrent aussitôt, et le professeur s'empressa de reprendre en haussant la voix pour se faire entendre :

-N'oubliez pas de me remettre vos devoirs vendredi prochain. Monsieur McGregor, mademoiselle Swann, veuillez me rejoindre dans mon bureau dans quelques minutes, j'ai à vous parler.

Sur ce, il rassembla ses affaires et quitta la classe : il avait à faire avant de pouvoir être en week-end. Le connaissant, nous avions au moins dix minutes avant qu'il ne soit à son bureau personnel, au troisième étage. J'étais surprise d'être appelée à son bureau, mais c'était sans doute normal, après ce qu'il s'était passé tout à l'heure... Etrangement, la jeune femme avait disparu, mais la chaleur de sa main restait encore, comme un souvenir.
Les élèves se hatèrent de quitter la salle : le week-end était enfin arrivé et la plupart d'entre-eux rentraient chez eux. Mélisandre attrapa mes feuilles au passage et les emporta avec elle, prétextant une crampe de poignet pour excuser le fait qu'elle n'avait rien écouté au cours.

Alexander me rejoint alors que les derniers élèves quittaient la salle de classe d'un pas précipité. Je terminai de ranger mes affaires dans mon sac, en essayant de rester calme. Je me tournai enfin vers lui, alors qu'il me questionnait sur les raisons de notre professeur.

J'ai été impolie... Je n'aurais pas dû rire... J'ai perturbé le cours... Et toi aussi. D'ailleurs, que s'est-il passé ? lui demandai-je en me dirigeant vers la sortie d'un pas hésitant, les yeux fixés au sol.

Je sortis ma bouteille d'eau et deux cachets que j'avalai aussitôt : un pour me calmer de ce qu'il venait de se passer, et l'autre en prévision de la visite dans le bureau de Mr Stocks. Je me promis à moi-même que ça irait, qu'il n'y aurait aucun problème, et que ce n'était pas très grave.

Tu vas sûrement me prendre pour une folle... Mais j'ai revu cette jeune femme, celle de la dernière fois... murmurai-je, espérant presque qu'il n'avait pas entendu la fin de ma phrase. J'avais peur de ce que pouvait être sa réaction. Allait-il me prendre pour une folle, comme je le craignais ? Il avait sans doute oublié toute cette histoire, alors que moi je m'en souvenais. Ça ne devait plus être qu'un lointain rêve...

Il ne me prit pas pour une folle, à la surprise générale. Lui aussi se souvenait de cette drôle d'histoire dans la bibliothèque, cet espèce de flash que nous avions eu et où nous avions vu ces étranges personnages. Cette femme m'était apparue plusieurs fois en rêve après cela, mais depuis quelques temps elle avait déserté mes songes sans que je ne me l'explique. Peut-être était-elle passée au niveau supérieur...

Je me souviens qu'elle s'appelait... Ca commençait pas "S"...

Je me concentrai pour tenter de m'en rappeler, mais son prénom ne me revenait pas en tête.

Non, je ne sais plus... Tu l'as revu, lui ? C'est de cet homme dont tu parles ?!

Non seulement il s'en souvenait, mais il le voyait lui aussi ! Je n'étais pas seule, je n'étais pas folle ! Quoique... nous pouvions être fous tous les deux, en fait...

Enfin, je crois que nous devrions plutôt aller voir Monsieur Stocks, sinon il risque de ne pas être content...

Mieux valait ne pas trop tarder car même si ce professeur n'avait jamais rien eu contre moi, je l'avais déjà vu s'énerver sur les élèves qui arrivaient en retard, et je n'avais pas du tout envie de lire ça !

On... on s'en fout de Stocks ?

Les mots qui venaient de sortir de sa bouche me semblaient irréels. Les avaient-ils vraiment prononcés ? En tout cas, je n'eus pas le temps d'en savoir plus : déjà, il avait attrapé ma main et m'entrainait en courant dans les couloirs. Je ne savais pas où il m'emmenait, mais cette course folle ne me plaisait guère énormément. Je ne dis rien de tout le trajet, jusqu'à ma chambre. Là, il s'arrêta et je pus enfin souffler, moi qui étais totalement nulle en sport et qui détestais plus que tout devoir courir ! Je ne lui répondis pas pendant environ cinq minutes, reprenant mon souffle.

Oui, je l'ai toujours. Et j'apprécierais que tu me préviennes la prochaine fois, que tu penses à me demander mon avis avant de courir de la sorte, et que tu ralentisses un peu l'allure...

Ce que je venais de lui dire n'était pas si gentil que ça, et je n'avais pas l'habitude d'être désagréable. Mais je n'aimais pas qu'on me fasse courir, même dans les cas extrêmes !

Mais tu crois que la réponse se trouve à l'intérieur ?

Après tout, c'était probable. Il avait réfléchi bien plus vite que moi, sur ce coup-là. Dire que c'était une conclusion logique et que, sur le coup, je n'y avais pas pensé...
J'ouvris la porte de ma chambre et, avec encore une certaine réticence, l'invitai à entrer. Je n'aimais toujours pas qu'une personne autre que moi entre dans ma chambre, car cette personne pénétrait alors dans mon espace personnel, et risquait d'y semer la discorde...
Je pris le livre qui était rangé dans le premier tiroir de ma commode et le lui tendis.

Il feuilleta le fameux livre et le lut. Je regardai un instant par-dessus la couverture pour remarquer que les lettres apparaissaient au fur et à mesure...

C'est étrange... et effrayant...

Je n'aimais pas vraiment tout ce qui sortait de l'ordinaire, et encore moins ce qui était totalement inexplicable ! Ou bien je devenais folle et j'imaginais ces lignes qui s'ajoutaient petit à petit, ou bien il y avait quelque chose de... de "magique" là-dessous, ce qui était tout bonnement impensable et irrationnel !

La voix de Caleb, apparaissant d'un seul coup, me fit sursauter et accéléra l'allure des battements de mon cœur. Depuis quand était-il dans ma chambre ? Comment était-il entré sans que nous ne nous en rendions compte ? Que faisait-il là ? C'était déjà bien assez difficile d'avoir invité Alexander à entrer, mais si en plus lui se retrouvait là... Et puis, qu'avait-il à m'appeler Maman ? Et Alexander Valdios ? Etait-il donc encore plus fou que nous ?
Je préférai laisser Alexander répliquer le premier, tandis que je calmais les battements de mon cœur. Tout ce qui sortait de la bouche de Caleb était incompréhensible !

Tu... tu sais ce qu'il se passe ? Tu es au courant ? (...) Pourquoi ... Pourquoi tu m'appelles Maman ? Tu me fais peur, Caleb...

D'une main tremblante, je rouvris le tiroir de ma table de nuit et en sortis une boite de médicaments. J'en avalai deux avec le verre d'eau que je gardais toujours à côté de mon lit. Ensuite, je m'assis, préférant ne pas risquer une chute.

Son rire me donna froid dans le dos. Je ne l'avais jamais vu dans un tel état. Certes, en temps normal, il me mettait franchement mal à l'aise, mais là c'était pire. Ses paroles étaient de plus en plus incompréhensibles ! Il parlait de Valdios, puis d'un certain Angel, nouveau personnage... Ca ne me disait rien ! Et il était mon fils, moi, Serenity ? Il débloquait bien plus qu'Alexander et moi réunis...

Tu... tu racontes n'importe quoi...

Il fit bientôt appaître une épée dans un nuage de fumée. Les effets des médicaments ? Avais-je bien pris les bons ? Je ne me trompais jamais pourtant, j'avais tellement l'habitude... Mais non, c'était bien les bons, alors pourquoi voyais-je des choses aussi bizarres ? Il obligea Alexander à s'en saisir, et ce dernier finit par la dégainer. Mais apparemment, il n'y eut pas l'effet qu'il escomptait... Je croyais qu'il allait me laisser tranquille, mais ce n'était pas le cas. Il me lança un anneau en or que je ne parvins pas à rattraper. Il retomba sans bruit sur mon lit et j'hésitai durant un instant à m'en emparer. Je le fis cependant et, après un regard à Caleb, j'entrepris de déchiffrer les inscriptions qui semblaient avoir vécu, même si elles étaient encore lisibles.

Christopher & Serenity à jamais...

Encore cette fille. Mais qui était ce Christopher ? Il n'en avait jamais parlé !! En tout cas, la jeune femme que j'avais vue était mariée à cet homme, il me semblait.

Qu'est-ce que ça veut dire ?

Moi qui pensais pouvoir le faire changer d'avis, je n'y parvins pas, et il me rejeta et s'enfuit en affirmant qu'il ne voulait pas croire à cette histoire. Valdios qui s'enfuyait devant moi, c'était chose rare, et particulièrement blessante...

Il m'a... rejetée...

En fait, il était comme tous les autres, alors ! Soit les gens se moquaient de moi et me faisaient des misères, soit ils partaient en ne se souciant plus de moi... Comme mes parents... Je ne savais pas exactement ce qu'il venait de se passer sous mes yeux, la scène était floue dans ma tête, comme si une autre personne avait pris possession de mon corps durant quelques minutes. Tout ce dont je me souvenais, c'était du geste d'Alexander et de son départ, le reste m'était inaccessible.

Que s'est-il passé ? demandai-je à Caleb en me tournant vers lui, désemparée. Pourquoi est-il parti de cette façon ? Et puis... vas-tu enfin m'expliquer ce que tu fais dans ma chambre, et pourquoi tu te comportes de cette manière depuis tout à l'heure ?

- Ah non hein ! Ca fait bien trop longtemps que j'attends ton retour, et tu disparais déjà ! Qu'est-ce qu'il te faut pour revenir à toi ? Bon sang, je n'en ai aucune idée... Donne-moi ça.

Il prit le livre sans que je fasse un geste pour le lui donner, comme il me l'ordonnait. Il le feuilleta avec hargne mais ne trouva apparemment pas ce qu'il voulait. Il le jeta contre le mur et il retomba ouvert sur mon bureau, renversant par la même occasion mes crayons bien rangés et mes cahiers parfaitement empilés. Je ne le connaissais pas si violent...

- J'en ai assez d'attendre, maman ! Ca fait trop longtemps que j'essaie de te ramener...

Caleb... Caleb s'il te plait, je ne comprends toujours rien à ce que tu racontes...

- Peut-être...

Il fit une pause et réfléchit un instant, me fixant presque sans me voir.

- Peut-être que si j'allais chercher père, ça marcherait...

Père ? Qui est ce "père" dont tu parles ?

- Christopher, pardi ! Ton mari, mon père !

Christopher, c'était le nom inscrit sur l'alliance que j'avais déposée sur ma table de nuit, celle qu'il m'avait lancé tout à l'heure.

- Ou Grégory, si tu préfères. C'est du pareil au même.

Cette histoire ne me plaisait guère, et d'autant moins si Grégory venait à intervenir. Après la déclaration publique de la dernière fois, je ne voulais même plus l'approcher - chose que je ne désirais pas avant non plus, mais à présent c'était encore bien pire car il n'avait jamais été jusque là...

- Reste ici, je reviens !

Il me contourna et sortit par la porte, emportant la clé avec lui... et verrouillant la chambre de l'extérieur ! Il me fallut un instant pour me rendre compte qu'il venait de m'enfermer dans ma propre chambre.

Ca... Caleb ! Mais qu'est-ce que tu fais ? Ouvre-moi !

Je me jetai sur la porte et tentai de l'ouvrir, en vain. Pourquoi avais-je laissé ma clé à côté de la porte ? Pourquoi ne l'avais-je pas gardée sur moi en entrant tout à l'heure ?
La perspective qu'il ramène Grégory jusqu'ici était insuportable... La perspective d'être enfermée dans cette petite pièce, si familière soit-elle, était tout de même bien plus insuportable pour l'instant...

Je m'éloignai de la porte et ouvris avec empressement le tiroir de mes médicaments en cas d'urgence. Je n'arrivais cependant pas à trouver le bon, ce qui me paniquait d'autant plus. Les mains tremblantes, je jetais les flacons et les boites à côté de moi, sans ménagement : il fallait que je trouve celui qui atténuerait cette sensation oppressante d'enfermement ! Et lorsque je serais plus calme, celui qui ne me ferait pas défaillir lorsque Caleb reviendrait. A moins que ce ne soit une simple blague... Non, rien de ceci n'était pour rire, je le sentais ! Me dépêchant d'autant plus, je mis enfin la main sur la boite que je cherchais. Je pris une poignée de ces gellules, sans même faire attention au nombre autorisé. Tant pis, je ne pouvais pas me contrôler. Je ne pouvais rien faire, si ce n'était tenter à tout prix de me calmer...
J'avalai tout avec le reste de mon verre d'eau et priai pour que ça agisse vite. J'attendis plusieurs minutes, à genoux sur le sol devant le forfait accompli - toutes ces boites éparpillées autour de moi -, avant de me lever pour m'allonger un instant sur mon lit. La tête me tournait, mais c'était plus agréable que la sensation d'enfermement qui disparaissait peu à peu. Je levai ma main gauche au-dessus de ma tête et aperçus la bague que j'avais glissé à mon doigt plus tôt. Elle devenait floue... Dans un geste de rejet, à mon tour, je la retirai et la jetai à travers ma chambre : de toute façon celle-ci était déjà bien dérangée, une chose de plus ou de moins n'y changerait rien...

Je me rendis compte que j'avais peut-être un peu abusé sur la dose, mais sur le moment cela ne me faisait rien. C'était mieux ainsi pour l'instant, je me sentais mieux. Un peu fatiguée, certes, mais bien plus sereine qu'auparavant. J'avais très envie de dormir, peu importe qui pourrait surgir dans ma chambre par la suite. Et au moins, si je dormais, je ne les verrais plus jusqu'à mon réveil... Après tout, le rêve était tout de même bien plus agréable que la réalité, bien plus attirant. Au final, je ne pouvais pas résister à cet appel insistant du sommeil salvateur...

Lorsque Angel revint en compagnie de Grégory et de Tristan - ce dernier avait insisté pour le suivre au cas où -, il aperçut Alexander devant la porte, appelant Serenity. Donc, il avait enfin décidé d'accepter d'offrir son corps à Valdios... Chris n'était pas encore revenu, car Angel avait laissé tout ce qu'il avait apporté dans la chambre, où il avait vidé ses poches. Mais peu importe, il était le seul à posséder la clé de la chambre, et Serenity, redevenue Eva pour peu de temps encore, était toujours à l'intérieur.

- Alors comme ça, tu as fini par revenir. Mais bon, j'ai dû employer les grands moyens.

- Tiens, qu'est-ce qu'il fait là celui-là ? Je croyais qu'Eva serait seule, moi...

- Eh bien, on aura réuni tout le monde, à ce que je vois.

Angel poussa Valdios pour ouvrir la porte. Il entra, suivi de Grégory et Tristan qui ne se gênèrent pas pour pénétrer dans la chambre de la demoiselle.

- Maman ? Je ne pensais pas qu'elle allait s'endormir, je n'ai pourtant pas été si long...

- Tu es venu me chercher pour admirer la Belle au bois dormant ? D'accord, c'est Eva, mais bon ça ne sert à rien d'être à trois... ou à trois et demi, dit-il en jetant un oeil à Alexander, pour la regarder dormir... Et puis, c'est quoi cette idée de l'appeler "maman" ? Tu es complètement barge...

- Au lieu de râler, prends plutôt ceci, lui intima Angel en lui lançant un anneau en or, plus épais et plus grand que celui qui reposait sur la table de chevet d'Evangelina. Grégory l'attrapa et, à son contact, se figea dans la contemplation de l'objet. Après un instant de silence, il le glissa lentement à son annulaire gauche, comme lors d'une cérémonie. Son regard se fit plus sûr encore, et plus dur. Il se redressa légèrement. Aussitôt la bague avait-elle épousé les formes de son doigt, l'atmosphère s'était faite plus pesante et malsaine. Christopher était de retour...

Greg, tu vas bien ? l'interrogea Tristan, qui se demandait ce qu'il se passait depuis un bon moment déjà. Christopher éluda sa question et ne prit même pas la peine de lui répondre. Il jeta un regard hautain et fier à son fils : c'était lui qui venait de le ramener, certes, mais Chris restait le maître des lieux... Ensuite, il s'approcha d'Evangelina, ou plutôt du corps qui abritait l'âme de son épouse. Il se saisit de l'alliance de la jeune femme et, s'abaissant pour être face à son visage endormis tourné vers eux, il lui mit la bague au doigt une nouvelle fois, avant de profiter de la situation pour l'embrasser passionnément. Selon lui, cela faisait trop longtemps qu'il n'avait plus pu la toucher ! Et il espérait qu'elle se réveille bientôt, ce qui ne semblait pas être le cas pour l'instant...

- Je crois qu'elle en a pris trop... ! Elle a abusé de ses médicaments... lança soudain Angel avec une certaine inquiétude, tenant entre ses doigts la boite à moitié vide, qu'il venait de trouver à quelques centimères du chantier des autres boites et flacons bien remplis.